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Fouilles d’appareils électroniques : ce que tout voyageur doit savoir

  • Photo du rédacteur: CFGT
    CFGT
  • 24 mars
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 31 mars


La question des fouilles des appareils électroniques à la frontière est complexe. Ces appareils contiennent une quantité considérable d'informations personnelles, ce qui les distingue des autres biens matériels.
La question des fouilles des appareils électroniques à la frontière est complexe. Ces appareils contiennent une quantité considérable d'informations personnelles, ce qui les distingue des autres biens matériels.

Fouilles d’appareils électroniques : ce que tout voyageur doit savoir


Rédigé par: Jean-Nicolas Yacoub


Ces dernières années, plusieurs incidents médiatisés ont révélé des situations où des voyageurs ont été arrêtés après la fouille de leur téléphone cellulaire. Entre novembre 2017 et décembre 2024, 13 960 examens d'appareils numériques personnels à la frontière ont permis de détecter des infractions, allant du blanchiment d'argent à la possession de matériel d'abus d'enfants. Cela signifie-t-il que chaque voyageur doit s'attendre à voir son téléphone fouillé ? Pas vraiment. En réalité, seulement 0,012 % des voyageurs au Canada ont été concernés par un tel examen. Cela dit, ces incidents soulèvent des questions importantes sur l’étendue des pouvoirs des agents des douanes, notamment en ce qui concerne les fouilles à la frontière et dans les aéroports.



Agent d'immigration
Agent d'immigration

Il est essentiel de reconnaître que nos attentes en matière de vie privée varient en fonction du contexte. À domicile, nous bénéficions d’une protection élevée, tandis qu’à la frontière, ces attentes sont réduites en raison des impératifs de sécurité et de contrôle douanier. Toutefois, les pouvoirs de fouille des agents ne sont pas absolus : nos droits constitutionnels, protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, imposent des limites à ces pouvoirs.


Le juge Michael Tulloch de la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’affaire R. c. Pike, a rappelé que la Charte s’applique également aux frontières du pays et que celles-ci ne constituent pas une zone de non-droit où des fouilles hautement intrusives seraient systématiquement permises. Plus une fouille porte atteinte à l’intimité d’un individu, plus elle doit être justifiée par des motifs solides. Par exemple, les questions de routine et l’inspection des bagages sont des pratiques courantes, distinctes des fouilles à nu ou des fouilles corporelles internes, qui exigent des justifications plus rigoureuses.


Appareils mobiles et droits personnels
Appareils mobiles et droits personnels

Un cas notable est l'affaire R. c. Simmons, où la Cour suprême du Canada a statué sur la légalité d'une fouille à nu. Dans cette affaire, Mme Simmons avait été soumise à une fouille à nu à son arrivée au Canada, et les agents avaient découvert six sacs d'huile de haschisch dissimulés sur elle. La Cour a conclu que, bien que les voyageurs aient une attente réduite en matière de vie privée à la frontière, les fouilles à nu doivent être justifiées par des motifs raisonnables et effectuées de manière raisonnable pour être conformes à la Charte canadienne des droits et libertés.


La question des fouilles des appareils électroniques à la frontière est complexe. Ces appareils contiennent une quantité considérable d'informations personnelles, ce qui les distingue des autres biens matériels. Dans l'affaire R. c. Fearon, la juge Karakatsanis de la Cour Suprême du Canada a souligné que « la fouille du portail donnant accès à notre univers numérique personnel a un caractère envahissant et affecte grandement d’importants intérêts liés à la vie privée. »



Tribunaux
Tribunaux

En 2020, la Cour d'appel de l'Alberta, dans l'affaire R. c. Canfield, a statué que les fouilles sans motif raisonnable des appareils électroniques personnels aux frontières violaient l'article 8 de la Charte, qui protège contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Dans cette affaire, les autorités avaient fouillé l'appareil électronique

de M. Canfield sans justifications appropriées.


Plus récemment, la Cour d'appel de l'Ontario, dans l’affaire R. c. Pike, a jugé que l'alinéa 99(1)a) de la Loi sur les douanes, qui autorisait les agents des services frontaliers à fouiller les appareils électroniques sans motif raisonnable, était inconstitutionnel. Ces affaires ont permis de clarifier que de telles fouilles ne peuvent être effectuées sans balises appropriées.


En réponse, le gouvernement canadien a proposé des modifications à la Loi sur les douanes pour établir des critères clairs concernant l'examen des appareils numériques personnels à la frontière, cherchant à équilibrer les impératifs de sécurité nationale et le respect de la vie privée des individus. Cependant, ces modifications n'ont pas encore été adoptées en date de rédaction de cet article.



Appareil personnel
Appareil personnel

L'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a publié des lignes directrices précisant les motifs justifiant l’examen des appareils numériques ainsi que les procédures à prévoir en pareil cas. Ces fouilles ne doivent pas être systématiques, mais uniquement menées lorsqu’il existe des indicateurs clairs laissant croire à une possible infraction aux lois frontalières. L'ASFC souligne également que les voyageurs sont tenus de fournir le mot de passe de leurs appareils numériques personnels sur demande. Toutefois, les agents ne peuvent accéder qu’aux informations enregistrées sur l’appareil. En cas de refus d’accès, celui-ci peut être saisi.


J’espère que cet article réussi à éclaircir le mystère autour des pouvoirs de fouille des appareils numériques à la frontière. Bien que les agents des douanes aient des pouvoirs assez étendus, il est important de se rappeler que les fouilles des appareils électroniques doivent être justifiées de manière appropriée. Après tout, les informations sensibles contenues dans ces appareils méritent qu'on y prête une attention particulière en matière de respect de la vie privée, plutôt que de les traiter comme n'importe quel autre bien matériel. Pas question de fouiller vos secrets numériques sans raison!


Me Jean-Nicolas Yacoub

Avocat & Notaire



 
 
 

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